Pour retrouver l’origine du journal de classe (nom d’origine), il m’a fallu chercher un bon moment et il apparait dans la catégorie « registres » et plus particulièrement les « registres obligatoires » mentionnés dans l’arrêté du 17 avril 1866.
C’est l’ouvrage d’Eugène Rendu, Inspecteur Honoraire de l’Instruction Publique, « Manuel de l’enseignement primaire » publié en 1881, qui m’a offert des détails, page 62 :
L’Arrêté du 17 avril 1866 précise : « Les seules écritures périodiques dont la tenue est exigible pour les instituteurs sont les suivantes :
1re catégorie. Écritures relatives au recouvrement de la rétribution scolaire. 1° Registre matricule ; 2° Rôles de la rétribution scolaire et écritures qui s’y rapportent ; 3° Registre des déclarations d’abonnements.
2ème catégorie. Écritures d’ordre et de statistique. 1° Registre d’inventaire du mobilier d’école ; 2° Catalogue et registre d’entrée et de sortie des livres des bibliothèques scolaires ; registre des recettes et dépenses, et état, au 31 décembre, de ces bibliothèques ; 3° Rapport annuel contenant les renseignements nécessaires à la rédaction des états de situation des écoles et salles d’asile.
3ème catégorie. Écritures relatives à la direction pédagogique de l’école. 1° Registre d’appel ou de présence, de notes et de composition, conforme au modèle ; 2° Journal de classe également conforme au modèle. »
Rendu (1881, p. 87) explicite le journal de classe : « Le journal de classe est un registre destiné à recevoir, jour par jour, la préparation écrite et résumée des matières enseignées aux élèves des trois divisions, matin et soir. La tenue de ce registre est aujourd’hui obligatoire dans tous les départements. Fourni par la commune, le journal de classe fait partie des archives de l’école, et, en cas de changement ou de cession de fonctions, il est remis par l’instituteur à son successeur. Tous les soirs l’instituteur doit y inscrire le résumé des exercices et des leçons du lendemain. Dans les écoles pourvues d’adjoints, les registres de ces derniers sont soumis, chaque matin, une demi-heure avant l’ouverture de la classe, au visa du directeur, qui s’assure que les leçons et devoirs sont bien en harmonie tant avec l’emploi du temps qu’avec la division trimestrielle ou mensuelle du programme, et qu’ainsi toutes les divisions du même cours suivent la marche parallèle prescrite, que toutes les branches de l’enseignement reçoivent un développement en rapport avec le classement des élèves et leur degré d’instruction. »
Voici le modèle (appelé spécimen par l’auteur) : l’instituteur devait écrire, en lecture, le texte et la liste de mots étudiés ; en écriture, le numéro de la méthode, les exercices ou le modèle ; en grammaire et arithmétique, les exercices en entier pour le CE et pour le CM et le Cours Supérieur, le titre de l’exercice ou la dictée (page et auteur) :
Nous en retrouvons l’origine dans l’explicitation de ce qu’est l’autorité : sans préparation de classe, le maître tâtonne, cherche des textes pour les leçons et les élèves s’en aperçoivent et s’agitent. Suit un paragraphe sur les questions que doit se poser le maître en fin de journée (l’équivalent de notre bilan) :
« A toutes ces questions, il faut que l’instituteur se fasse, par avance, chaque soir ou chaque matin, des réponses très précises. De là, le Journal de classe. Introduit dans le Loiret dès 1851 [note de bas de page : par M. Villemereux], rendu obligatoire par un arrêté ministériel de 1866, ce registre est aujourd’hui en usage dans toutes nos écoles. » (Rendu, 1881, p. 129).
Pour résumer : le Journal de classe est né dans le Loiret en 1851 grâce à M. Villemereux. Il devient obligatoire par arrêté en 1866. Il est fourni par la commune, est visé tous les matins par le directeur d’école et fait partie des archives de l’école.
Mise à jour du 23/08/2022 :
Donnons la parole à M. Villemereux créateur du journal de classe et auteur d’un ouvrage en 1863 intitulé « De l’organisation pédagogique des écoles ». A cette époque, il est Inspecteur Général de l’enseignement primaire. Dans son ouvrage, il écrit de lui-même : « Quand M. Villemereux, en 1855, voulut astreindre, tous les instituteurs, sans exception, à la préparation quotidienne de leurs classes, des objections s’élevèrent de toutes parts ; elles n’ébranlèrent ni sa résolution dans ses exigences, ni sa conviction dans ses espérances. Les résultats, après quelques mois d’expérience, dépassèrent ses prévisions, et on vit bientôt succéder unanimement à la résistance, l’assentiment le plus convaincu. D’autres départements sont entrés dans cette voie nouvelle, et aujourd’hui, dans l’enseignement primaire, la préparation des classes, c’est à dire la rédaction du journal de classe, dont nous parlerons tout à l’heure, est en usage dans la totalité des écoles publiques de plusieurs circonscriptions académiques « (Villemereux, 1863, p. 92).
Voici comment il définit le journal de classe : « Lorsqu’il [l’instituteur] s’est ainsi remis en mémoire tous les fait de la journée, il envisage l’avenir ; il examine ce qu’il pourra, ce qu’il devra enseigner dans chaque division ; s’il faut qu’il continue la marche de ses leçons ou s’il doit recommencer les exercices précédents en variant la forme, en s’appuyant sur de nouveaux exemples. En un mot, il pourvoit, jusque dans les moindres détails aux 2 classes du lendemain [matin/après-midi], en inscrivant sur le journal de classe tout ce qui fera l’objet de l’enseignement dans chacune des divisions de son école [comprendre chaque niveau de classe ] et dans l’ordre même qu’indiquent l’emploi du temps et la distribution du travail « (Villemereux, 1863, p.93). L’auteur indique page 95 que cela prend environ une heure.
Pour résumer : « On donne le nom de journal de classe à un registre ou cahier destiné à recevoir la préparation écrite de la classe chaque jour de l’année » (Villemereux, 1863, p. 96).
Le journal de classe sera supprimé par arrêté du 14 octobre 1881.
Compayré (1896) précise que l’arrêté du 14 octobre 1881 continue de recommander le journal de classe mais a surtout supprimé la forme c’est à dire le registre spécial pour laisser à l’instituteur le choix de la forme (Compayré, 1896, p. 229).
Sources :
Compayré G. (1896). Organisation pédagogique et législation des écoles primaires (pédagogie pratique et administration scolaire). Paris : Librairie classique Paul Delaplane, 6ème édition revue et corrigée.
Rendu E. (1881). Manuel de l’enseignement primaire. Pédagogique, théorique et pratique. Paris : Hachette. Nouvelle édition remaniée et très augmentée avec la collaboration de A. Trouillet, Inspecteur de l’Instruction Primaire. La première édition date de 1857.
Villemereux M., Pinet A. (1863). De l’organisation pédagogiques des écoles. Paris : Dezobry, Tandou et Cie, 3ème édition.