Mon assise de la maternelle

     Bien-sûr, l’école maternelle joue un rôle important dans la scolarisation et la réussite future de l’élève. Cependant, l’école maternelle telle que nous la connaissons aujourd’hui ressemble encore beaucoup à la maternelle d’hier. L’École, c’est dans ses missions, doit suivre l’évolution de la société.

J’ai toujours lu dans les écrits de chercheurs, dans les programmes et depuis très longtemps… que le langage oral est au cœur des enseignements en maternelle, sa maîtrise prépare l’apprentissage de la lecture, l’école maternelle peut compenser les inégalités entre enfants, en vocabulaire… Qui en douterait aujourd’hui ? Mais la question n’est plus là. Tout le monde est d’accord. Maintenant, ce ne sont pas les textes scientifiques, ministériels… qui sont à modifier mais il s’agit plutôt de vérifier l’adéquation entre ce que dit la recherche, les textes officiels et la réalité dans une classe :

  • Un enfant parle et apprend à parler parce qu’il est entouré d’adultes qui lui parlent. La réalité est que c’est l’enseignant qui est entouré de beaucoup d’enfants. Dans la structure d’une classe, le professeur des écoles s’adresse à 25/30 élèves pour donner beaucoup de consignes dans une journée, comme un universitaire s’adresserait à un amphithéâtre et non à des étudiants individuellement. Cette façon de faire ne correspond pas à ce qui est requis et ne peut pas permettre d’augmenter la maîtrise du langage oral chez tous les élèves de maternelle. Ce n’est pas une question de pédagogie ou de didactique, ce n’est pas une question de « à qui est la faute » ou de « référentiel de compétences de l’enseignant ». L’enseignant est compétent pour le faire mais les conditions d’enseignement proposées ne permettent pas d’atteindre ce grand objectif aujourd’hui. C’est comme si l’on demandait à un maçon de construire un mur en 5 heures alors qu’en tant que professionnel, avant même de commencer et au regard de son expérience et de ses compétences, il sait fort bien qu’il n’y arrivera pas qu’il ne peut pas y parvenir. Il commence tout de même, et au bout de cinq heures, il a construit 1/3 du mur. Posons-nous les questions suivantes : était-il motivé pour le faire sachant qu’avant de commencer, il échouerait ? S’est-il impliqué et appliqué pour construire ce morceau de mur ? Était-il heureux de travailler ? Envisageait-il des compliments, une reconnaissance de ses supérieurs ? Était-il concentré dans la réalisation d’un travail bien fait au point d’avoir veillé à des fondations solides ? Le mur, lui, va-t-il tenir longtemps, affronter les coups de vents de l’existence ?

Le mur

Quelles solutions proposer :

  • Augmenter le nombre d’adultes. Compter l’ATSEM comme adulte référent et former les ATSEMS comme l’on forme les enseignants mais les enseignants sont trop peu formés à enseigner en maternelle aujourd’hui.
  • Il est nécessaire qu’il y ait plus d’adultes de manière à ce que l’enseignant s’adresse réellement à un ou plusieurs enfants comme cela se passe dans une famille, chez une nourrice agréée voire en crèche… mais pas à l’école maternelle ou pas souvent.
  • Il faudrait surtout diminuer le nombre d’élèves par classe si l’on veut en même temps, travailler l’efficacité (savoir que l’on va réussir avant de commencer), le bien-être (l’enseignant s’est préoccupé de moi), lutter contre la violence (un petit qui a pour expérience un bain de foule à 3 ans dans son école se développe-t-il harmonieusement ?), encourager, être en capacité de voir les progrès, répondre très vite à un besoin et enseigner vraiment, ce qui aurait pour effet également, le bien-être des enseignants, des ATSEMS… Avec moins d’élèves, il y aura plus d’affectif à retrouver, à donner.
  • Faire sauter les cloisons : beaucoup de professionnels œuvrent auprès des jeunes enfants, très peu se connaissent, connaissent ce que font les autres. Tous dépendent de Ministères différents et surtout tous ne reçoivent pas la même formation. Faire sauter les cloisons, ce n’est pas créer un jardin d’enfants à la place de l’école maternelle mais c’est faire que chacun garde ses spécificités professionnelles tout en partageant des savoirs sur ce qu’est un enfant, son développement… Tout le monde parle du développement de l’enfant, personne ne reçoit la même formation (professeur des écoles, éducateur de jeunes enfants, puériculteur…). La formation reçue a-t-elle été mise à jour ? Tous ont-ils reçu une formation sur ce point ?

Le langage oral et le langage écrit c’est l’affaire de tous les professionnels de la petite enfance. Aujourd’hui, c’est l’illettrisme qui est l’affaire de tous (enseignants, Ministères, entreprises, associations…).

Pourquoi ne pas partager « Comment enseigner le langage oral » alors que beaucoup de professionnels parlent aux enfants. Pourquoi ne pas partager « Comment on apprend à lire aujourd’hui à un enfant » alors que c’est la raison pour laquelle nous mettons en œuvre des remédiations ? Si nous partageons tous ces savoirs et que nous les mettons en œuvre dans un cadre adéquat, sans nul doute, nous pourrons obtenir des résultats conformes aux intentions. Il ne s’agit pas que tous enseignent et sachent enseigner bien-sûr mais il s’agit de posséder les savoirs nécessaires pour aider un enfant au moment où il en aura besoin.

Dernière proposition : les ATSEM méritent un salaire qui correspond à leurs compétences, à la formation qu’elles vont recevoir, à toutes les tâches qu’elles remplissent et elles participent à l’apprentissage du langage oral des enfants. Elles ne s’occupent pas des enfants, elles s’en préoccupent  et participent à leur éducation !

Tout en bas du mur, on devine une fleur… prête à grandir.